La royauté représente l’un des piliers de la civilisation Egyptienne. Même les empereurs romains se soumirent en Egypte à sestraditions et Decius (249-251 APJC) était le dernier à faire une offrande au dieu Khnoum au temple d’Edfou plus de 3000 ans après les premiers témoignages de l’existence d’une royauté Egyptienne. Bien que cette institution évolue durant les siècles, elle resta telle quelle sans que son fondement ne s’altère. En montant sur le trône, le roi devenait un homme dans un rôle de dieu, descendant sur terre d’Horus et assis sur le trône de Geb.
Le roi et la Maât.
La plupart des effigies du roi le représentaient non pas dans son individualité historique, mais dans le rôle de celui qui maintient et développe l’ordre universel, auquel il est assujetti au plan des ses activités religieuses et culturelles. A la base de ses actes, il y a la Maât qui est le principe fondamental de la vision du monde Egyptien. Maât représente l’harmonie entre la vie et le monde, mais aussi la solidarité sociale et une gestion responsable du pays. Comme on peut l’observer le rituelroyal du matin, le dieu solaire a installé le roi sur terre pour qu’il réalise la Maât et pour repousser Isfet, qui représente le chaos et l’injustice. Et le roi est responsable devant
la Maât. Il n’est pas au dessus de l’ordre, il en répond. Les dieux, les rois et les hommes vivent de la Maât. Le roi n’est que l’exécutant temporel, mortel de cette tâche éternelle, conscient de s’inscrire dans une longue lignée de représentants qui l’ont précédé ou qui le suivront.
Le roi étant le garant de l’ordre, samort constitue une menace pour le monde. Ainsi son successeur recrée-t-il le monde en entrant dans ses fonctions et réunit symboliquement les deux pays.
C’est ainsi qu’il faut comprendre l’évocation de la première campagne du roi ou sa simple représentation en tant que commandant en chef de l’armée, même s’il n’a pas mené de guerre, y voir le roi massacrant les ennemis.
D’après l’idéologie royale, le cœur du roi, sa pensée et sa volonté sont de nature divine, il est la perfection. En temps de guerre, la parole du roi est la décision adéquate, le bon jugement. Son discours est convaincant, ses paroles sont magiques et engendrent ce qui est nouveau.
La naissance et la régénération du roi :
L’origine divine du roi qui a été élu déjà dans l’œuf est reprise dans les mythes de la naissance du roi dieu. Selon trois célèbres cyclesd’images ( Deir el Bahari pour Hatchepsout, Louxor pour Aménophis III et au Ramesséum pour Ramses II) la reine temporelle reçoit d’un dieu le futur roi. Sous l’ancien empire, il s’agit de Rê ou d’Horus, sous le nouvel empire d’Amon, à l’époque des Ramessides de Ptah sous la forme du bélier. C’est khnoum, le dieu de la création, qui façonne l’enfant, lequel est ensuite mis au monde, nommé, élevé par des nourrices divines et enfin consacré roi. Parmi les autres formes de légitimation du roi, il y a la transmission de la fonction royale par son père, de même que dans le mythe, la royauté d’Osiris est transmise à son fils Horus ou encore son élection personnelle par un dieu (voir la stèle de Thoutmosis IV aux pieds du Sphinx de Gizeh).
A partir du moyen empire, le roi prenait son successeur assez tôt au trône comme corégent, ce qui garantissait une stabilitépolitique réelle.
Pour se régénérer et assurer la continuité du pouvoir, le roi, à qui les textes promettaient un nombre illimité d’années de règne, célébrait normalement, la première fois et au bout de trente ans de règne et ensuite tous les trois ans, la fête Sed (fête du renouvellement), nous verrons que cette période de trente ans ne sera pas
toujours respectée, en particulier lorsque une légitimation du pouvoir le nécessitait, on pense à Akhenaton entre autre. La veille, on enterrait une statue du roi, comme symbole de sa mort, et le lendemain, au levé du soleil (qui se régénère) le roi
« rajeuni » réaparaîssait sur letrône. Il était couronné une nouvelle fois et témoignait de sa nouvelle force vitale en effectuant une course devant les dieux, voir la cour du complexe de Djeser, construite pour cette célébration.
Aménophis III se flattait d’être le premier à avoir célébré cette fête conformément aux écritures anciennes, car, d’après lui, pas une seule génération d’hommes n’avait célébré correctement la fête Seb depuis le temps de Rê. L’aveu du vieillissement est l’expression de la nature humaine du roi qui, dans de nombreux contes, récits et aussi descriptions, est représenté à l’opposé de l’image idéale transmise par l’idéologie. Dans ces textes, nous apprenons que le roi Amasis aimait boire, que le roi Sasobek était parjure et que le roi Néferkarê aurait été homosexuel.
Le roi, chef du pays et maître du monde.
Après son couronnement, le roi est présenté en tant que maître de la guerre, grand bâtisseur, celui qui rend le culte et chef des deux pays. Toutes les entreprises accomplies dans ces domaines servaient au renouvellement permanent de la création et à l’expansion de ce qui est.
Le roi est le père nourricier du pays, il est le garant de la vie des hommes qu’il protège contre la faim, la pauvreté et la violence. L’enseignement loyaliste formulait ainsi le salut d’un pays assuré par la toute puissance du roi : « il est le discernement de ce qui est dans les cœurs, se yeux scrutent tout corps. Il est le dieu solaire sous la conduite duquel on vit, celui qui est sous son ombre aura beaucoup de serfs. Il est le dieu
solaire grâce aux rayons duquel on voit, qui illumine les deux terres plus que le soleil… il fait plus verdir qu’une grande inondation et il remplit l’Egypte d’arbres fruitiers. »
Le roi peut disposer du monde sans limite, par exemple par la puissance magique de ses paroles. On peut lire sur la stèle de Qouban de Ramses II : « quand tu t’adresse à l’eau, élève toi, sur la montagne ! L’océan primordial surgit sur ton ordre.
Le roi est le maître de l’Egypte que les dieux lui ont confiéeet il est ainsi le seul propriétaire du sol et de ses produits. Il détient des privilèges royaux et une position de monopole économique. Il gère les butins de guerre ainsi que les richesses des pays étrangers qu’il contrôle. En tant qu’instance suprême il désigne les fonctionnaires sur
les postes importants de l’administration, il représente le pouvoir juridique suprême et en tant que tel veille au respect des lois.
En tant que maître du monde triomphant des ennemis de l’Egypte qui symbolisent le chaos, le roi massacre les ennemis dans une scène souvent représentée qui constitue un motif constant de l’idéologie royale. Le roi combat la rébellion des ennemis étrangers et aspire en même temps à repousser les frontières de l’Egypte en Asie et en
Afrique. Le roi est maître du monde, il est au dessus de tout le pays et de tous les pays étrangers. D’après une inscription provenant de Bouhen, la frontière méridionale va aussi loin que souffle le vent et la frontière septentrionale va jusqu’au bout de l’océan.
L’autre monde, le monde du chaos, est celui des animaux sauvages, que le roi combat en chassant le gros gibier (lion, éléphants et hippopotames), chasse dont il a le privilège.
Le roi et le culte :
Tout comme envers les hommes, le roi a des devoirs envers les dieux et , d’après une maxime du rituel matinal, le roi devait, « pour satisfaire les dieux, présenter uax dieux une offrande divine et aux morts une offrande funéraire ». Seul le roi était habilité à célébrer le culte et à édifier les lieux de culte, mais dans la pratique, il déléguer cette tâche aux prêtres. Le roi était le médiateur entre les dieux, qui n’étaient présents sur terre qu’indirectement dans les temples et les statues divines, et les hommes.
La stèle de restauration de Toutânkhamon décrit bien, en évoquant l’hérésie
Amarnienne, ce qu cela implique, en fin de compte, de se détourner des dieux.
« Lorsque sa majesté Toutânkhamon apparut en roi, les temples des dieux et des déesses sombraient dans l’oubli, depuis Elephantine jusqu’aux marais du Delta… ; leurs sanctuaires allaient disparaître et étaient devenus des ruines, envahis par les mauvaises herbes, leurs chapelles étaient comme si elles n’avaient jamais existé et leurs salles un chemin de piétons. Le pays était malade et les dieux se détournaient de lui. Si l’on envoyait un soldat en Syrie pour élargir les frontières de l’Egypte, il ne pouvait y parvenir aucunement. Si l’on implorait un dieu pour lui présenter une requète, il ne venait pas. De même, lorsqu’on implorait une déesse, elle ne venait pas non plus. Leurs cœurs étaient devenus faibles dans leurs êtres et ils détruisaient leurs œuvres. »
Le culte avait pour objectif d’apaiser les dieux et d’assurer leur bienveillance à l’égard du pays. Le renoncement du culte mènerait le monde à sa perte.
L’héritage culturel de l’Egypte antique est marqué par les monuments que le roi, en maître d’œuvre, a fait construire en l’honneur des dieux (excepté les tombeaux). La signification du mot monument en Egyptien ancien était « qui reste ».
La royauté dans l’histoire :
Même si on a une certaine continuité dans la royauté Egyptienne, on assiste tout au long des trois millénaires de l’histoire Egyptienne à une évolution dans la conception de la royauté.
On retrouve des traces de l’origine de la royauté Egyptienne dans la seconde moitié du IVème millénaire avant JC. Les premiers tombeaux que l’ont attribue à des rois à Hiéraconpolis et à Abydos, des palettes, des massues décorées et la pierre de Palerme (qui comporte la liste des rois jusqu’à la Vème dynastie témoignent de l’existence d’une royauté et d’une idéologie royale depuis au moins 3200 avant- JC.
Des découvertes plus récentes sont venues enrichir notre perspective et ont rendu l’origine de la royauté Egyptienne moins remarquable mais plus compréhensible.
Les recherches montrent que l’évaluation de la position de roi depuis l’ancien empire a évolué. Alors que l’on considérait le roi de l’ancien empire comme un dieu il est clair aujourd’hui que ce roi était considéré comme un homme. Mais dans l’idéal, il remplissait ses fonctions de manière si parfaite qu’il devenait l’égal des dieux et que
sa nature même était identifiée à la nature divine, en particulier à celle du dieu solaire. Depuis Aménophis III le roi, qui était assimilé au dieu solaire Rê, était déjà vénéré de son vivant comme un dieu. Dans un texte datant de l’époque de Ramses II, « le roi est
caractérisé comme le dieu créateur vivant « Khnoum », comme roi divin né comme Khépri dont Rê est le corps, engendré par Rê que Ptah-Tatenen a conçu, il est ici fils , image et manifestation du dieuqui l’a intronisé, il porte le pshent , est fils la couronne blanche , héritier de la couronne rouge qui unit les deux terres en paix. »
Le moyen empire souligne que la royauté est absolument nécessaire au bon fonctionnement de la société et de l’économie. Ceci est énoncé clairement dans l’enseignement pour Mérikarê : « la royauté est une bonne institution ».
Sous le nouvel empire, les entreprises du roi ne sont plus toujours une évidence, elles sont fondées et considérées comme des actions exceptionnelles et historiques.
On peut lire à propos de des conquêtes de Thoutmosis Ier que rien de tel n’avait pu être relevé dans les annales de prédécesseurs depuis les descendants d’Horus (les premiers rois). Le récit de Ramses IIà propos de la bataille de Qadesh, dont l’objectif était d’aider à conclure lapaix avec le royaume Hittite, ce qui constituait un
événement unique sur le plan historique, prend ici une place particulière. Dans ce récit une nouvelle tendance se fait jour, que l’on observe depuis le nouvel empire : le dieu intervient à plusieurs reprises dans l’histoire, ce qui diminue l’importance de la
royauté et permet avec la XXIème dynastie la création de l’état Thébain du dieu Amon. Les rois des époques ultérieures encouragent désormais les références au passé de la culture Egyptienne. Tout comme leurs sujets, ils sont conscients de vivre dans
un espace demémoire collective englobant plusieurs millénaires qui s’impose à leurs yeux et … est éclairé chronologiquement et historiquement jusque dans les moindres recoins. C’est à cette époque que remonte l’apparition du titre de roi Pér-âa « la grande maison » dans la tradition hébraïque, qui marque l’introduction de la notion de pharaon dans le langage moderne.
La fin réelle de la royauté Egyptienne s’acheva avec la victoire du christianisme qui remplaçait la foi en un roi, fils du dieu solaire et garant du salut dans ce monde par la foi en Jésus et en Dieu.
Références :
Pyramides, temples et tombeaux de l’Égypte ancienne, Richards Lebeau, Autrement
La fantastique histoires des bâtisseurs de pyramides, Zahi Hawass, éditions du rocher.
Les grands sages de l’Égypte ancienne, Christian Jacq, Tempus.
L’Égypte des grands pharaons, Christian Jacq, Tempus.
Dictionnaire des pharaons, Pascal Vernus et Jean Yoyotte. Tempus.
L’Égypte au temps des pyramides, Guillemette Andreu, Hachette.
Histoire de l’Égypte ancienne, Nicolas Grimal. Fayard
Égypte, sur les traces de la civilisation pharaonique, H.F.Ullman.
Les grandes pyramides chroniques d’un mythe, J.P. Corteggiani, Gallimard.
Lire et comprendre les hiéroglyphes, Hilary Wilson, Tchou.
Paysages et paradis de l’autre monde selon l’Égypte ancienne, Christian Jacq, Maison de vie.
Djéser et la IIIème dynastie, Michel Baud, Pyagmalion.
Les cahiers de sciences et vie.
Dossiers d’archéologie.
Et diverses recherches personnelles sur le net.
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La titulature et les attributs royaux
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